dimanche 16 février 2014

"Cherche pas, cette fille, c'est qu'une pute."

Oui, tu as dit ça pour consoler quelqu'un, pour l'aider à avancer. Une façon de dénigrer ce qu'on ne pourra pas avoir. C'est bien d'être capable de rebondir, d'avancer. Mais cette phrase, cette petite réplique, tu devrais le savoir, tu en as surement déjà été la victime : elle n'est pas innocente. Elle est lourde de sens, de conséquences. Oui, c'est plus simple de les ignorer et puis, il avait besoin d'entendre ça.  Mais non, je regrette, aider une personne en en dénigrant une autre gratuitement et en toute ignorance, ce n'est pas un acte charitable.

Qu'est ce qui t'autorise à dire ça ? Comment oses-tu seulement ?
Tu te dis féministe, tu te dis bienveillante, tu dis que tu ne juges pas. Et tu te permets, sans rien savoir, de réduire cette fille à "juste une pute". C'est comme ça que tu sers la cause féminine ? En étant la gentille et en admettant que tes consœurs ne sont souvent "que des putes" ? C'est un peu facile, un peu réducteur. Surtout ça sert les clichés. Ça aide tous ces garçons à croire qu'une fille n'est qu'une pute. Qu'on la drague ou qu'on se laisse draguer, qu'on la prend et qu'on la jette parce que, de toute façon, c'est tout ce qu'elle veut et si ce n'est pas lui qui prend les devants, elle le larguera et il restera là, comme un con, et pas comme un homme fort qu'il est. Je ne comprends pas : à ces filles, vous espérez vraiment qu'en dénigrant vos semblables, vous semblerez au dessus du lot ? Non... Je suis sincèrement désolée, mais ça alimente la théorie des lionnes qui se déchirent un steak, et puis ne vous inquiétez pas, pour chaque horreur que tu vomis, une autre pute dégueule sur ton dos. Bah oui, c'est comme ça.

Pourquoi tu le dis ?
Toi-même tu as surement bien galéré pour en arriver où tu en es, toi-même tu t'es battue pour ton image. Alors tout ça, ça te donne un passe-droit pour faire misérer les autres ? Belle mentalité. Tu la connais, la pute ? Genre vraiment bien ? Tu sais ce qui se passe dans sa tête ? Tu sais qu'elle essaie de tout son cœur, mais devant ses échecs, tu préfères la catégoriser. Ouais, on est d'accords, elle fait p'têtre de la merde. Elle misère sa race. Elle se casse le nez. Mais elle se relève et elle essaie. P'têtre que ses intentions ne sont pas mauvaises et qu'elle essaie sincèrement. Ou pas, p'têtre que ça l'amuse de manipuler, de pas être honnête. P'têtre qu'effectivement, elle veut juste le plaisir de la chair. Mais ça, je ne suis pas sûre que tu puisses le savoir, depuis le trône où tu poses ton royal séant. Je te trouve donc sacrément gonflée de venir poser ton jugement pour la mettre dans une toute petite case, pour la condamner, devant ton auditoire qui te croira. Parce que c'est là que j'ai un problème, c'est que tu ne veux pas juste exprimer ton opinion vomitoire, tu veux persuader que tu vaux mieux, et que ta rivale, ton amie, ta pute, bref l'intruse, doit être évincée. Pourquoi d'ailleurs ? Elle nuit à l'image de la femme gentille que tu essaies de construire alors tu préfères la bannir ? Mais non, ça, ce n'est pas possible. Ce n'est pas en faisant un tri parmi les femmes et en sélectionnant les meilleures que tu aboliras les clichés. Le but du jeu, c'est que tout le monde ait les mêmes droits. Les putes, les salopes, les idiotes, les princesses et les bienveillantes. 

As-tu pensé aux conséquences ? 
Si la réponse est "oui, mais tu t'en fous", je te prierais gentiment de te rappeler ce que ça t'a fait quand, assez mal déjà, tu as entendu ce genre d'horreur sur toi. Si, ça t'est à peu près forcément arrivé. Parfois vraiment sans raison, parfois suite à une rupture, parfois suite à un beau bordel. Bref, pour cela, réfère toi au paragraphe suivant.
Si la réponse est plutôt "ouais, et c'est bien fait pour elle, pute", tu crois que tes mots vont faire quoi ? Parce que non, elle ne pourra pas les ignorer, elle ne pourra pas vraiment passer outre, pas tout de suite. Et ça lui donnera surement plutôt envie de baisser les bras que d'avancer et de régler les petites choses qui ont dérapées. En plus, tu l'enfonces dans sa solitude. J'te raconte pas qui elle va être obligée d'aller voir pour parler. Bah oui, des gens qui vont la réconforter, l'écouter, p'têtre la vouloir et p'têtre que ça finira encore pareil. Et toi tu diras que tu avais raison. Moi je dirais que tu es coupable de ne pas l'avoir aidée, et même de l'avoir enfoncée. Cracher sur elle ne te met pas en dehors du conflit, ne marque pas de limite nette entre cette traînée et toi, non, ça fait juste mal gratuitement. Et ça, je vois pas pourquoi tu le voudrais. Au fond, tu es bienveillante, n'est ce pas ? Tu voudrais qu'elle se calme, qu'elle s'en sorte ? Et pas juste marquer ton territoire et te placer sur un piédestal, rassure-moi. Alors arrête ça tout de suite et va être son amie, sa confidente, ou même une personne tierce qui ne va pas la juger ouvertement. Bref, respecte là en tant que personne, si ce que tu veux c'est l'aider. 

Et si cette pute, c'était toi ? 
Pour ma part, je n'écouterais pas les "on dit". J'aurais ma p'tite idée, mais j'aurais surtout envie de te comprendre si tu m'en donnais l'occasion. Te montrer du soutien quand ça ne va pas et que tu sens que tu vas déconner, où te laisser te débrouiller et faire ta merde si tu agis en ton âme et conscience. Je ne te jugerais pas et si après un temps de grand n'importe quoi tu revenais vers moi pour changer, où pour admettre, je ne chercherais pas à t'enfoncer. Je ne te condamnerais pas pour avoir été cette pute. Je n'essayerais pas de te changer si ce n'est pas ce que tu veux, mais je ne mêlerais pas de tes histoires. Je prônerais la liberté de chacune de gérer son corps et ses amours. Je te conseillerais de faire un peu attention aux dégâts que tu causes, mais je ne me permettrais pas de te mettre dans la boîte "cas désespérés" pour autant.

Bref, j'estime que je ferais preuve de respect, parce que je n'ai jamais trouvé le bonheur en extirpant celui d'autrui, bien au contraire.


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